Sous-traitance à l’ère de la globalisation
Avec la mutation du marché global du travail, de nouvelles formes de travail se sont progressivement développées, encouragées par les gouvernements et instances internationales. Dans ce contexte, nombres d’entreprises se sont tournées vers la sous-traitance. D’une part, pour combler des besoins de main d’œuvre ponctuels et d’autre part pour déléguer certaines activités d’une entreprise à une autre.
Depuis le milieu des années 1980, on assiste à une forte augmentation du nombre d’entreprises, converties en donneuses d’ordre, qui délèguent leur offre de biens et de services à d’autres entreprises. On fait ainsi face à un processus de sous-traitance entre entreprises, favorisant également la délocalisation, qui constitue un phénomène de sous-traitance dans un pays où les coûts de main d’œuvre et/ou fabrication sont moindres, complexifiant davantage la situation.
Si la sous-traitance a été considérée, par les grandes entreprises, comme une avancée significative pour maximiser leurs profits, elle n’a fait qu’accélérer la fragmentation et la dérégulation du marché du travail, instaurant une double relation de subordination pour les travailleurs (subordination envers son employeur direct et subordination envers l’entreprise donneuse d’ordres).
Au-delà d’être préjudiciable pour les salariés, la sous-traitance impacte également la structure et le fonctionnement des entreprises. La pression et la cadence imposées par les entreprises donneuses d’ordre, imposant parfois l’exclusivité, fragilisent d’autant plus le tissu des PME. Si du jour au lendemain, une entreprise donneuse d’ordre décide de délocaliser certains biens et services afin de bénéficier de conditions plus avantageuses, elle peut se séparer brutalement de l’entreprise à laquelle elle sous-traitait certaines activités, ce qui peut avoir des conséquences désastreuses (licenciements, faillites…).
Cette forme de travail, et notamment du fait de l’absence de convention collective pour les travailleurs sous-traitants, entraîne une dégradation certaine des conditions de travail et de vie. Ces derniers sont donc touchés par la dévaluation des salaires, les contrats temporaires et à temps partiel, et ne peuvent prétendre aux mêmes droits que les travailleurs directement salariés tels que les congés payés, les grilles de salaire, les horaires de travail, une bonne couverture sociale ou encore la prise en charge des transports. De leur côté, les entreprises faisant appel à la sous-traitance se désengagent complètement de la précarisation dont elles sont pourtant à l’origine, prétextant que les travailleurs victimes d’abus dépendent des entreprises sous-traitantes avec lesquelles les travailleurs signent leurs contrats de travail.
Presque tous les secteurs professionnels sont touchés par un développement à vitesse grand V de la sous-traitance. A titre d’illustration, en France à partir de 2017, l’expression « sous-traitance » est remplacée par le mot « partenariat » dans le code du travail, insinuant que ce type de contrat met sur un pied d’égalité entre l’entreprise faisant appel à un sous-traitant et le sous-traitant lui-même (qu’il s’agisse d’une autre entreprise ou d’un salarié), alors même qu’il existe un rapport de force évident, à l’avantage du donneur d’ordre, entre les deux parties. A cette occasion, le terme de « pénibilité » du travail, étroitement lié à la sous-traitance, a été transformé en « facteur de risques professionnels ». Le changement progressif dans le code du travail français, allant jusque dans la sémantique – novlangue – pour brouiller les esprits, conduit à une flexibilisation encore plus grande des travailleurs sous-traitants pour qui les recours en cas d’abus se font rares. Les grandes entreprises telles qu’Airbus (constructeur aéronautique), de grandes chaînes hôtelières (détenues par le groupe hôtelier français Accor), le service public (comme La Poste, service postal français) ou encore l’Assemblée Nationale, se sont tournées vers la sous-traitance pour déléguer biens et services divers.
De même, en Espagne, les entreprises de sous-traitance, aussi nommées entreprises d’outsourcing ou multiservicios, sont très développées dans les secteurs du nettoyage, de la sécurité et de la logistique. Ces dernières années, tant dans le milieu hôtelier que dans celui de l’hôpital, la sous-traitance du nettoyage est au cœur des discussions et négociations, avec l’objectif de réduire les coûts concernant des postes pourtant indispensables et centraux. Il est aussi nécessaire de mentionner les grands groupes espagnols de l’industrie textile, piliers de la fast-fashion. Ils pratiquent la délocalisation et la sous-traitance à outrance afin d’offrir à une clientèle internationale toujours en demande, un renouvellement permanent de ses collections, au détriment des travailleurs sous-traitants exploités, le plus souvent dans le domaine informel.
Fait également important, la sous-traitance se caractérise par un affaiblissement, voire une suppression, du tissu syndical traditionnellement implanté dans les entreprises et le service public. Sans organisation collective et avec la complexification des recours possibles par et pour les travailleurs, ces derniers se retrouvent vulnérables face aux abus et avec une faible connaissance de leurs droits professionnels.
Malgré tout, ces situations de précarité du travail ont conduit, ces dernières années, à de graves conflits sociaux. En France et en Espagne, de nombreux syndicats, associations et collectifs, dénoncent des abus et inégalités liées à la sous-traitance. Par exemple, les femmes de chambres employées en sous-traitance par l’hôtel de luxe Ibis Batignolles à Paris, sont en grève depuis maintenant plus de vingt mois et multiplient les actions pour obtenir une amélioration de leur statut et de leurs conditions de travail. En Espagne, parmi les plus actives, les femmes de chambres d’hôtels de l’association Las Kellys luttent contre la sous-traitance et la dégradation des conditions de travail. Si les entreprises ont bien entendu la liberté de déléguer des activités, aussi diverses soient-elles, cela ne devrait en aucun cas aller à l’encontre du droit du travail et des travailleurs.
Dans le contexte actuel, à l’heure où le monde est frappé par la pandémie de Covid-19 depuis plus d’un an, alors même que le marché du travail était déjà fortement précarisé par des politiques poussant à outrance la productivité et prônant la flexibilité, la sous-traitance participe activement au démantèlement du droit du travail et de la protection des travailleurs.
Si tous les travailleurs, ou la majeure partie, ont été impactés par la pandémie, aucun doute que les sous-traitants sont les grands oubliés des mesures mises en place pour pallier l’effondrement du marché du travail.
Il devient urgent d’approfondir le débat autour de la sous-traitance pour tenter de trouver de nouvelles solutions pour assurer un monde professionnel plus équilibré et s’orienter vers la justice sociale.
Externalización del trabajo en la era de la globalización (en español)
Junto con la mutación del mercado global del trabajo, se han desarrollado progresivamente nuevas formas de trabajo promovidas por los gobiernos e instancias internacionales. En este contexto, numerosas empresas se han orientado hacia la externalización. Por un lado, para satisfacer sus necesidades de mano de obra temporal y por otro, para delegar algunas de sus actividades a otras empresas.
Desde mediados de la década de los años 80, el mercado laboral se enfrenta a un fuerte aumento del número de empresas convertidas en ordenantes, que han delegado su oferta de bienes y servicios a otras empresas. Asistimos a un proceso de externalización entre las empresas favoreciendo la deslocalización, la cual constituye un fenómeno de externalización en países en los que los costes de mano de obra y/o de fabricación de por sí son más baratos, empeorando aún más la situación de su masa trabajadora.
Si bien en un primer momento la externalización ha sido considerada por parte de las grandes empresas como un avance importante para maximizar sus beneficios, la subcontratación aceleró la fragmentación y la desregulación del mercado laboral, instaurando una relación de doble subordinación para los trabajadores (subordinación al empleador directo y subordinación a la empresa ordenante).
Más allá de ser perjudicial para los empleados, la externalización tiene también un impacto en la estructura y el funcionamiento de las empresas. La presión y el ritmo impuestos por las empresas ordenantes, a veces obligando a la exclusividad, debilitan aún más el tejido de las PYMES. Si de un día para otro, una empresa ordenante decide deslocalizar bienes y servicios para beneficiarse de condiciones más favorables, puede romper su contrato con la empresa de externalización causando consecuencias catastróficas (despidos, quiebras, etc).
Esta forma de trabajo, debido a la ausencia de convenios colectivos para los trabajadores externalizados, acarrea un deterioro evidente de las condiciones de trabajo y de vida. Los trabajadores resultan directamente impactados por la devaluación de los salarios, por los contratos temporales y a tiempo parcial, además de la imposibilidad de acceder a los mismos derechos que los trabajadores directamente contratados, tales como las vacaciones, la escala salarial, los horarios fijos, o una seguridad social satisfactoria. Por su parte, las empresas que recurren a la externalización se distancian por completo de las condiciones de precarización que están generando con sus prácticas. De esa manera no reconocen su responsabilidad en las denuncias de trabajadores víctimas de abusos laborales, pues aducen que éstos dependen de las empresas de subcontratación, ya que los contratos de trabajo están firmados con ellas.
Casi todos los sectores laborales están fuertemente impactados por el desarrollo de la externalización. A modo de ejemplo, en Francia a partir del 2017 el término de “externalización” ha sido reemplazado por el de “colaboración” en el código laboral, sugiriendo que este tipo de contrato se instaura en igualdad de condiciones entre la empresa ordenante y la empresa subcontratada (sea una empresa en sí misma o un empleado de ésta), mientras que está claro que existe una definida relación de poder entre las dos, de una dominada por la otra. Al mismo tiempo, el término de “dificultad” del trabajo, estrechamente vinculado a la externalización, ha sido transformado en “factor de riesgos profesionales”. Este cambio progresivo del código laboral francés, incluso en la parte semántica —neolengua— sirve para confundir las mentes y conduce a la aceptación de una mayor flexibilidad por parte de los trabajadores externalizados, los cuales quedan sin soluciones en caso de abusos. Las grandes empresas como Airbus (constructor aeronáutico) y grandes cadenas hosteleras (propiedades del grupo hostelero francés Accor), el servicio público (como La Poste, servicio de correos francés) y también la Asamblea Nacional se han orientado hacia la externalización para delegar bienes y servicios.
De la misma manera en España, las empresas de externalización, también llamadas empresas de outsourcing o multiservicios se han desarrollo en especial en los sectores de la limpieza, de la seguridad y de la logística. En estos últimos años, tanto en la hostelería como en el hospital, la externalización de la limpieza ha sido una preocupación central en las discusiones y negociaciones con el objetivo para los empresarios de reducir los costes de este sector no obstante imprescindible y fundamental. Asimismo, resulta importante abordar el tema de los grandes grupos españoles de la industria textil, pilares de la fast-fashion. Efectivamente, practican la externalización y deslocalización en su máxima expresión para seguir ofreciendo a sus clientes internacionales siempre en demanda, una reposición permanente de sus colecciones, en perjuicio de los trabajadores subcontratados, explotados y muy a menudo pertenecientes al sector informal.
También cabe señalar que la externalización se caracteriza por una debilitación, e incluso una eliminación del tejido sindical tradicionalmente implantado en las empresas y el servicio público. Sin organización colectiva y frente a la complejidad cada vez más importante de los recursos por y para los trabajadores, éstos se encuentran en una situación de gran vulnerabilidad para enfrentarse a los abusos, debido también a un escaso conocimiento de sus derechos laborales.
Sin embargo, estas situaciones de precariedad laboral han provocado en estos últimos años, importantes conflictos sociales. En Francia y en España han sido numerosos los sindicatos, asociaciones y colectivos que denunciaron los abusos e injusticias debido a la externalización. Por ejemplo, las camareras de pisos externalizadas del hotel de lujo Ibis Batignolles en París han empezado una huelga y desde hace veinte meses siguen multiplicando las acciones para alcanzar mejores condiciones de trabajo y estatus profesional. En España, entre las más dinámicas, destacan las camareras de pisos de la asociación Las Kellys que luchan contra la subcontratación y el deterioro de sus condiciones laborales. Si las empresas tienen la libertad de delegar parte de sus actividades, este proceso no debe afectar al derecho laboral y tampoco construirse en contra de los trabajadores.
En el contexto actual, en momentos en que el mundo está altamente afectado por la pandemia de Covid-19 desde hace más de un año, y mientras el mercado laboral ya está fuertemente precarizado debido a las políticas que siguen promoviendo la productividad excesiva y la flexibilidad, la externalización participa de manera activa en el desmantelamiento del derecho laboral y de la protección de los trabajadores.
Si todos los trabajadores, o una gran parte de ellos, han sido impactados por la pandemia, no cabe ninguna duda de que los externalizados han sido (y siguen siendo) los grandes olvidados de las medidas instauradas para superar el colapso del mercado laboral.
Hoy resulta urgente profundizar el debate relativo a la externalización para intentar encontrar nuevas posibilidades para asegurar un mundo laboral más saludable y orientarse hacia la justicia social.
Bibliographie / Bibliografía :
Raquel Rodrigo Henfling. 2020. ““Outsourcing” o externalización ruinosa: las ETT 2.0”, Consultado el 9 de abril de 2021. https://www.elsaltodiario.com/el-jornal-andaluz/outsourcing-o-externalizacion-ruinosa-ett
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https://www.monde-diplomatique.fr/2019/05/MEYNAUD/59867
Olivier Sévéon, 2018. « Ordonnances : disparition du mot “sous-traitance” et autres éléments de novlangue », Consultado el 9 de abril de 2021. https://www.miroirsocial.com/index.php/ordonnances-disparition-du-mot-sous-traitance-et-autres-elements-de-novlangue
Nadine Thevenot, Bruno Tinel, Julie Valentin. (2006). « État social et sous-traitance. Quelles transformations des dépendances dans le travail ? », Consultado el 9 de abril de 2021. https://halshs.archives-ouvertes.fr/halshs-00271382/document